L'engagement dans l'aide au développement et l'action humanitaire.
Chercheur-acteur, acteur-chercheur, quelles tensions ?
Bertrand Sajaloli* et Paul Nicolas**
*Université d'Orléans, laboratoire CEDETE et Centraider
** laboratoire TELEMME université Aix Marseille
bertrand.sajaloli@univ-orleans.fr
paelnic@wanadoo.fr
L'engagement dans la solidarité internationale, quelque soit son ampleur et ses modalités, place le chercheur souhaitant réfléchir à l'efficacité de l'aide au développement et /ou aux effets des actions humanitaires, dans une situation quasi schizophrénique d'objet-sujet qui, par la prise de distance qu'elle requiert, apparaît à la fois féconde et déstabilisante. Elle suscite une réflexion sur les pratiques du chercheur engagé, sur l'objectivité scientifique et plus généralement sur la place de l'enseignant-chercheur dans la cité. Elle interroge l'objectivité scientifique, – dont il est par ailleurs légitime de se méfier, comme de la neutralité au demeurant –, la posture du chercheur et la nécessité d'expliciter, en préambule de toute publication, son éventuel engagement.
Deux exemples concrets arment la réflexion. Il s'agit de l'adoption d'enfants de la minorité opprimée Jumma du Bangladesh en France et la fabrique d'une communauté transnationale (Nicolas, 2018), qui a motivé une thèse de doctorat, et, d'autre part, les programmes sur l'évaluation de l'aide au développement en Afrique de l'Ouest (programme BIOSOL sur l'agroécologie, BARANI sur les conditions d'une aide durable, RADICEL-K sur la géographie culturelle et l'adhésion aux programmes de coopération décentralisée...) qui ont suscité des publications (Sajaloli, 2014, 2018). Dans deux cas, les auteurs étaient engagés dans l'aide au développement, le premier en tant que membre, un temps Président, de l'association « la Voix des Jumma » et père adoptif d'un Jumma, le second en tant que membre actif de l'ONG « Djangon Barani » et vice-président du réseau multi-acteurs Centraider (www.centraider.org).
La communication examine les cheminements de pensée acteur-chercheur à travers quatre trajectoires : l'engagement comme source du questionnement scientifique, l'engagement comme moteur d'obtention de sources inédites et plus généralement d'une meilleure connaissance de l'objet de recherche, la tension objet-sujet comme interrogation sur sa propre trajectoire sociale, le « désengagement », voire le « dégagement », comme condition d'objectivité scientifique.