Cette proposition des communications est issue d'une piste de réflexion développée dans une habilitation à diriger des recherches. Elle a pour contexte principal des communes de marges, de périphérie, en métropoles, parisiennes, valenciennoise, comme en espace rural (périphérie d'Aubenas)
Elle vise à poser la responsabilité d'être géographe par rapport au terrain, aux personnes rencontrées. Par responsabilité, j'entends le fait de devoir répondre de et de devoir répondre devant. C'est -à-dire, répondre ce que l'on produit, des mots que l'on utilise, de ce que l'on fait au terrain, des productions scientifiques bien sûr, mais aussi répondre devant les personnes que l'on côtoie et qui rendent par leur acceptation de "jouer le jeu" la recherche possible.
Il s'agit donc ici de poser la conscience du rapport de domination entre personnes enquêtrices et personnes enquêtées. Ce rapport de domination n'est pas seulement une relation hiérarchisée, dissymétrique, elle pose une relation d'humiliation de qui est identifié, institutionnellement comme savant à l'encontre de qui est pensé, appréhendé, même avec grande empathie, comme une ressource.
La notion de "démarche fondée" est certes une façon d'établir un point de vue situé. Elle rappelle autant les travaux de Donna Haraway que de Sandra Harding mais aussi de répondre d'un rapport éthique, moral et finalement politique avec le terrain et les personnes qui participent à la recherche, qu'elles en soient actrices ou réceptrices. Elle nécessite donc d'être en mesure de répondre de chaque action, de chaque choix, mais elle implique nécessairement une attention portée, une prise de soin des espaces produits, rencontrés comme des personnes.
D'une part, la démarche fondée peut être définie par
- la recherche d'un rapport non surplombant au sujet d'étude ou au terrain. De ce fait elle engage un effort de justesse des termes à employer, en conscience des contenus politiques qu'ils portent.
- la nécessité de répondre de la même façon des choix des méthodes mises en œuvre au terrain, et avec eux de la position adoptée comme personne enquêtrice. Il s'agit d'être conscient·e de l'asymétrie des rapports entre personnes enquêtrices et personnes enquêtées afin d'en évacuer tout rapport hiérarchique.
- la certitude qu'aucune innocence ne préexiste dans les mots et les actes choisis. Les uns et les autres sont révélateurs de contextes philosophiques, de prises de positions. La démarche fondée implique alors qu'il n'y a que subjectivité scientifique puisque toute recherche est située.
Mais, d'autre part, cette démarche fondée induit d'ancrer la production scientifique dans la pratique de terrain abordée comme une façon d'être garant.e du service public de la recherche. En effet, la restitution de la production scientifique au contribuable, qui la rend possible, peut-être imaginée comme un moyen démocratique de partage et de nécessité de la recherche.
Dans cette proposition de communication, il est question également de méthodologies choisies à la fois pour être au terrain et pour restituer. Il s'agit principalement de choix participatifs, et de choix d'interdisciplinarités avec d'autres chercheur.es de l'espace qui ne sont pas nécessaires universitaires : qu'iels soient artistes de rue et d'espace public, architectes, graphistes. Il s'agira alors de mettre en débat ce que ces méthodologies réussissent de cette volonté de faire savoir démocratique, accessible, et ce qu'elles échouent.
Dans ce sens, la façon même de faire de la recherche peut apparaître comme performative de l'engagement démocratique porté par la militance du service public..