De la “simple” collecte de données à des collaborations avec les habitant.e.s qui interrogent l'engagement des chercheurs : retour sur l'expérience terrain du projet UrbASanté à la Porte de la Chapelle (Paris)
Lucile Bauchard  1@  , Ndeye Aïta Cissé  1@  , Antoine Leydier  1@  , Roxane Caparros  1@  , Sophie Blanchard  2@  , Malika Madelin  3@  , Vincent Dupuis  4@  , Benoit Conti  1@  , Helene Charreire  2, 5@  
1 : Laboratoire Ville, Mobilité, Transport
Ecole des Ponts ParisTech, Université Gustave Eiffel
2 : LAB'URBA
Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne - Paris 12, Université Gustave Eiffel
3 : Pôle de recherche pour l'organisation et la diffusion de l'information géographique
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Institut de Recherche pour le Développement, AgroParisTech, Sorbonne Université, Centre National de la Recherche Scientifique, Université Paris Cité
4 : PHysicochimie des Electrolytes et Nanosystèmes InterfaciauX
Institut de Chimie du CNRS, Sorbonne Université, Centre National de la Recherche Scientifique
5 : Montpellier Interdisciplinary center on Sustainable Agri-food systems (Social and nutritional sciences)
Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement, Institut de Recherche pour le Développement, Centre International de Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes - Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier, Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement, Institut Agro Montpellier

Lancé en 2022, le projet de recherche UrbASanté a pour objectif d'évaluer l'impact des transformations urbaines sur les expositions environnementales, les comportements en lien avec la santé et la santé perçue des habitant.e.s de la Porte de la Chapelle, dans une optique de réduction des inégalités sociales de santé. L'étude s'appuie sur un protocole dit de natural experiments qui se déroule en deux phases (avant et après les projets urbains) dans un quartier d'intervention et un quartier témoin (sans transformation urbaine). Ce projet, financé par l'I-SITE Futurs Urbains et par l'ANR, est mené par un consortium interdisciplinaire qui réunit des géographes, épidémiologistes, urbanistes et la Ville de Paris.

Une grande partie de la recherche repose sur la collecte d'informations auprès des habitant.e.s de la Porte de la Chapelle à partir de questionnaires et d'entretiens sur les pratiques et les représentations en lien avec leur santé et leur cadre de vie. Pour cela, l'équipe de chercheur.se.s participe depuis plusieurs mois à la vie du quartier et se mobilise auprès des associations, des collectifs, de nombreux acteur.ice.s et des habitant.e.s. Les méthodes de recrutement telles que le porte-à-porte et la participation à des activités associatives ont permis aux chercheurs.se.s de nouer des liens avec les habitant.e.s et les acteurs.rice.s créant ainsi des opportunités pour leur proposer une part active dans le processus de recherche. Cet engagement auprès des habitant.e.s est constamment discuté au sein de l'équipe de chercheurs.se.s. L'équipe s'interroge sur la façon de s'impliquer au-delà de la “simple” collecte de données auprès des habitant.e.s et plus largement sur notre rôle en tant que chercheur.se.s dans ce contexte. Ces questionnements sont d'autant plus prégnants que ces quartiers d'étude représentent un enjeu politique fort de transformation urbaine (JO 2024, Grand Paris Express) et concentrent des populations en situation de vulnérabilité sociale et sanitaire. 

Ces questionnements ont pris la forme de deux principales directions, chacune ayant pour objectif une montée en compétences des habitant.e.s : 

- Un engagement auprès de l'association Activ'18 qui porte le projet Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD) dans le quartier. Le but de TZCLD est de lutter contre l'exclusion et la marginalisation des populations. Ses objectifs sont d'employer et de proposer des missions à des personnes privées d'emplois pour leur permettre d'acquérir de nouvelles compétences en garantissant le caractère formateur de l'emploi. L'équipe UrbASanté s'est interrogée sur comment s'engager dans ce processus d'acquisition de nouvelles compétences par une participation active à TZCLD. Nous avons proposé d'intégrer les participant.e.s volontaires de ce programme dans l'équipe de recherche en tant qu'enquêteur.rice.s, contribuant ainsi (i) à leur montée en compétences et (ii) à la diffusion du projet de recherche et à la collecte de données. Cet engagement comprend des temps de formation auprès des participant.e.s et un accompagnement de notre part sur toute la période de la mission. Par le biais de ce partenariat, UrbAsanté souhaite agir, à sa mesure, sur un des enjeux majeurs du quartier à savoir la lutte contre le chômage dont le taux est particulièrement élevé localement.

- Un engagement auprès de l'Espace Jeune La Villa (EJLV) implantée dans le quartier Charles Hermite. Géré par l'association Espoir 18, l'EJLV est une structure de proximité qui propose des activités gratuites dont la programmation est élaborée avec les jeunes du quartier ainsi qu'un espace d'information et d'accompagnement personnalisé. Pour l'équipe UrbASanté, l'objectif de cette collaboration est d'accompagner les habitant.e.s et plus particulièrement d'aider les jeunes du quartier à acquérir des réponses à leurs questionnements sur leur exposition à la qualité de l'air. Ainsi, nous proposons d'organiser avec EJLV des ateliers de recherche participative, qui auront lieu au cours du 1er trimestre 2023. Ces ateliers seront des moments de partage de savoirs et d'expérimentation visant à encourager l'agentivité chez les participant.es face aux enjeux de la qualité de l'air. 

Cette présentation sera l'occasion de faire un retour sur la mise en œuvre de ces deux formes d'engagements auprès des habitant.e.s de la Porte de la Chapelle et d'échanger sur l'implication de ces démarches en recherche notamment en termes de production de connaissances scientifiques. Ce sera également l'occasion de discuter de ce que veut dire concilier engagement collectif (et individuel) et projet de recherche financé, dans lequel, ces dimensions n'étaient initialement pas programmées. 

Par ailleurs, devant l'impossibilité de se restreindre à la seule mesure des nuisances et des inégalités dans un quartier populaire aux enjeux sociaux considérables et dans la volonté de faire des résultats de l'étude un outil au service des habitant.e.s dans leurs revendications de conditions de vie meilleures, nous nous questionnons sur les modes de restitution des résultats qui interrogent le rôle et l'impact durable de notre étude pour les habitant.e.s. Ainsi, notre intention est que les données et leur analyse soient également diffusées auprès des habitant.e.s selon des modes participatifs et variés afin que ces résultats puissent servir d'outil aux habitant.e.s et qu'ils et elles puissent s'en emparer pour agir en lien avec les futurs aménagements dans leur quartier.


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