La problématique dont veut rendre compte cette communication est formulée pour l'occasion. Bien que l'engagement soit une préoccupation déjà ancienne (à l'origine, déterminante), elle n'a pas réellement conduit à la constitution et à l'exploration d'un objet de recherche autonome. Elle est progressivement apparue en deuxième ligne permettant ainsi d'offrir un cadre épistémologique à mes travaux. La question a pu resurgir de façon plus directe, comme avec cette proposition, car la prise de distance, ponctuelle, est utile pour ajuster une position jamais réellement stabilisée. Ainsi, ce qui est interrogé ici se niche dans l'appréciation du niveau de consubstantialité entre recherche et action afin de mieux cerner la capacité d'engagement de l'enseignant (-chercheur), du géographe, dans le monde qu'il cherche à mieux comprendre et sur lequel, de façon plus ou moins médiatisée, il entend agir. Les visées scientifiques comme celles attachées au registre de l'action sont intimement liées par des enjeux de connaissance eux-mêmes tiraillés par la double aspiration à une forme de justice d'un côté, et d'efficacité, de l'autre. Telle est l'hypothèse.
À l'appui seront mobilisées principalement trois positions :
- La première est celle du géographe dans son environnement de production de la connaissance scientifique, c'est-à-dire en prise avec l'acte de recherche, ses objets, la valorisation de ses résultats, et possiblement l'orientation de sa production sur la voie critique marquant son engagement. Il s'agira ici de revenir sur la thèse de doctorat et ses suites.
- La deuxième correspond au chercheur qui rejoint le monde de l'action en devenant consultant, sans nécessairement abandonner son environnement de formation. Il mobilise ses connaissances, les met au service de compétences, d'une offre de services pour accompagner l'action. Contrairement à la position précédente, l'engagement ne sera pas interne (à la discipline) mais externe c'est-à-dire tourné vers le monde et en prise directe avec la réalité sociale.
- La troisième permet d'évoquer une situation croisant une géographie ouverte aux sciences de l'action dans un enseignement supérieur et une recherche hors de l'Université (en ENSA), une implication dans un programme de recherche faisant de la coproduction acteurs/chercheurs son leitmotiv (POPSU), et une confrontation aux grands enjeux actuels (les transitions).
Au final, afin de renseigner les liens entre niveau de consubstantialité observé entre recherche et action, et capacité d'engagement, plusieurs perspectives tirées de l'exploration de ces trois positions, seront présentées et discutées. Ces perspectives sont énoncées avec un même champ de connaissance en référence que l'on résume ici par métropole, métropolisation, territoires. Nous les formulons provisoirement ainsi :
- L'enfermement disciplinaire du géographe ou l'engagement mort-né,
L'absence ou la faiblesse de l'inscription de la pratique géographique dans le champ des sciences sociales, notamment, réduit toute possibilité d'engagement. Il en ressort des querelles internes stériles. L'affaiblissement de l'approche critique n'a longtemps permis que d'accompagner les phénomènes observés.
® L'idéologie métropolitaine que pointe la conclusion de la thèse de doctorat (2001) n'accroche pas le paysage de la recherche, ni celui de l'action, pour mille raisons sans doute, essentiellement en lien avec ladite recherche, sans doute aussi parce que les résultats ont notamment été insuffisamment valorisés, mais également parce que les temps étaient encore à une forme croyance en un ré-enchantement du monde par la métropolisation, du moins les métropoles n'étaient pas encore envisagées comme possiblement barbares (2018). La recherche accompagnait le mouvement.
- La voie épistémologique ou l'engagement irrésolu,
Les enjeux de connaissance restent trop peu courus pour un engagement ne serait-ce qu'intellectuel ! Sauver la recherche en sciences sociales semble être l'enjeu.
® Pour une géographie urbaine critique est la proposition formulée quelque temps après la thèse et consignée en 2006. À cette occasion, s'est posée (sans doute a posteriori) la question d'un tel engagement, de sa possibilité, et donc des conditions de sa réalisation (les conditions matérielles offertes au chercheur et les conditions implicites offerte par la discipline).
- Le passage à l'action ou l'engagement contraint,
Une fois dans l'action, la recherche d'une forme d'efficacité (qui prend des formes multiples), semble contrarier toute possibilité d'engagement. Pour les territoires, le savoir savant, allié au savoir pratique, coche cependant toutes les cases : le géographe occupe une position globalement valorisée, la recherche affiche son utilité sociale, la connaissance produite nourrit l'action qui en tire avantage. L'engagement reste cependant contraint du fait de la tension entre justice et efficacité.
- L'emprise des cadres donnés à l'action ou l'engagement annihilé
Par la métropolisation des savoirs, la recherche sert la doxa et réduit à néant toute perspective d'engagement [POPSU 1]
- Le jeu de la coproduction de la connaissance ou l'engagement révélé, mais à quel prix ?
Une voie vers l'engagement s'ouvre mais vient contrarier les fondements même de la recherche [POPSU Métropoles]