En octobre 2019, des étudiants et des lycéens chiliens refusent de payer l'augmentation de trente pesos du ticket de transport métropolitain. Rapidement, ce mouvement est réprimé par le gouvernement. S'ensuivent plusieurs mois de manifestations et d'émeutes urbaines connues aujourd'hui comme l'"estallido social" chilien. Derrière ce soudain embrasement se cachent de nombreuses et anciennes revendications dont beaucoup se retrouvent dans le changement de constitution du pays. En effet, celle en vigueur date de 1980 et de la dictature du général Pinochet et a contribué à la mise en place d'un modèle social et économique libéral fondé sur l'extraction presque sans limites des ressources naturelles (eau, forêts, terres agricoles, cuivre, lithium). Entre mai 2021 (date de l'élection d'une assemblée constituante) et septembre 2022 (date du référendum de sortie du processus), le séminaire COINCIDE (La Constitution chilienne : regards croisés sur le droit et l'espace), porté par des membres de l'UFR de géographie et de l'École de droit de la Sorbonne de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a eu pour but d'examiner la mobilisation des enjeux environnementaux et territoriaux dans le processus constituant en cours au Chili. En adoptant une perspective géo-légale et transciplinaire, des séances mensuelles réunissant des chercheurs français et chiliens, issus de la géographie et du droit mais aussi de l'économie, de l'histoire, de l'anthropologie et de la sociologie, ont permis chaque mois d'interroger une thématique socio-environnementale et son traitement par la Convention constitutionnelle. Un terrain au sein de l'assemblée constituante avec une série de dix entretiens-portraits de constituants choisis parmi différentes formations politiques a permis également de documenter ce processus d'écriture. En retour, un député et deux constituants ont participé aux journées d'études organisées en France en juillet 2022. Le principal axe de recherche a consisté ainsi à comprendre dans quelle mesure le «moment constitutionnel » (Ackerman,1991) pouvait contribuer à transformer la régulation environnementale au Chili, au sein d'une économie profondément ancrée dans un paradigme d'extraction de ses ressources naturelles et ce malgré un référendum de sortie rejetant la première version du texte en septembre 2022. Plus, l'idée est aussi de voir dans quelle mesure le processus d'écriture d'une nouvelle constitution dans un contexte d'urgence climatique peut inspirer d'autres démocraties dans une pespective post-coloniale de greffe légale inversée.