S'engager en géographie : une réflexion que l'actualité nous impose de renouveler.
Patricia Sajous  1@  , Emmanuelle Hellier  2@  , Robert Hérin  3@  
1 : Identité et Différenciation de l'Espace, de l'Environnement et des Sociétés
Université Le Havre Normandie, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR6266, Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société
2 : Espaces et Sociétés
Centre National de la Recherche Scientifique : UMR6590, Université de Rennes 2 : UMR6590, Université de Rennes 2, Centre National de la Recherche Scientifique
3 : Espaces et Sociétés
Université de Caen Normandie : UMR6590, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR6590

Introduction: Rappel du Colloque Armand Frémont

Le colloque à la mémoire d'Armand Frémont a été l'occasion d'organiser une session portant sur l'engagement des géographes et de la géographie.

C'est un retour d'expérience dont nous pourrons partager lors du colloque CNFG les avancées mais aussi les questions laissées en suspens.

L'organisation de la session a été l'occasion de faire vivre une discussion depuis 2021 entre les trois organisateurs lors de la préparation et à l'issue de la session.

 

Définir le (les) engagement(s)

On parle ici des engagements pour une cause, en référence à des valeurs, à des principes et non des engagements contractuels, de nature privée, entre deux parties.

Armand Frémont a décliné au cours de sa carrière, de l'étudiant à ses activités de retraité, des engagements du géographe, de l'universitaire, du recteur, du citoyen. Se dessine ainsi la stature d'un universitaire engagé dans son temps, dont l'exemplarité nous interroge sur les prises de responsabilités de l'universitaire dans la Cité.

Quelle devrait être la place de la géographie dans les sciences sociales, les spécificités de ses contributions ?

 

Une rupture historique -Un monde qui change

Depuis la fin du XX° siècle, nous vivons une période de changements considérables, de crises cumulées et durables : crises écologiques, économiques et financières, crises sociales, sanitaires, crises politiques, crises de civilisations.... S'instaurent des géopolitiques inédites porteuses d'enjeux vitaux, à toutes les échelles, du local au global.

S'ensuit un bouleversement des objets prioritaires de la géographie. En conséquence, la géographie se trouve plus que jamais dans l'obligation de tenir son rôle de discipline scientifique et citoyenne, de s'interroger sur les sujets, les objectifs et les méthodes des recherches, sur la diffusion des savoirs et sur leur transmission par l'éducation.

 

Nous considérons que toute géographie, toute science sociale, toute science est engagée. La géographie n'y échappe pas, quelles que soient les prétentions à la neutralité de certains géographes, dans les courants d'une géographie traditionnelle ou d'une approche spatialiste stricte. Science des sociétés, la géographie met en lumière et contribue à construire des rapports individuels et collectifs au monde, aux sociétés qui le peuplent.

Trois obligations fondamentales en découlent :

Une posture critique (et responsable) du chercheur par rapport à lui-même, aux choix des sujets qu'il explore, aux méthodes qu'il mobilisera la mise en forme et la diffusion des savoirs auxquels il aboutit. Dire d'où l'on parle, à quelle construction intellectuelle, plus ou moins élaboré, guide ses activités, à la fois comme universitaire-chercheur et comme citoyen.

(reposant sur) des valeurs de référence. Les valeurs qui inspirent la Déclaration des droits de l'homme dont Liberté, Egalité, Fraternité ; ou encore solidarité, respect, altérité...

(contribuant à produire) une science, pratiquant une objectivité rigoureuse dans le choix des objets de recherche, des méthodes de recherche, pertinente dans la présentation et les supports de diffusion des savoirs. S'impose une exigeante rationalité n'excluant ni les émotions ni rapports sensibles aux espaces...

C'est sur ces fondements que la géographie peut contribuer pour sa part à l'intelligence des sociétés, ébaucher une mise en cohérence de leurs connaissances, voire une théorie. En conséquence, quelle géographie enseignée et pratiquée ?

 

L'éducation géographique.

Les discussions au cours du Colloque en hommage à A. Frémont en juin 2022 se sont surtout concentrées sur les moyens pour rendre plus audible l'éducation géographique.

Deux types de démarches ont particulièrement été mises en évidence :

-Aller sur le terrain. La crise sociale/crise écologique, les-inégalités ‘environnement/inégalités sociales constituent des objets prioritaires. Une géographie ancrée dans le terrain social, empirique, de l'enquête de recherche à la conférence publique, suppose une prise de risque vis-à-vis de la ligne de recherche, une exposition à la contestation de la science y compris dans la restitution des savoirs.

-Quelles écritures ? De l'atlas à la littérature.

La multiplication des moyens de communication, l'omniprésence du numérique et du virtuel, leur diversité, la concurrence aux scoops et l'éphémérité des informations qui en résulte obligent les géographes à travailler leurs rapports aux médias. Cela demande

- de revoir la conception des cartes et des atlas

- selon les supports, de penser simplicité et brièveté des textes ou à l'opposé argumentations approfondies

- ou encore d'envisager une écriture inspirée par la mémoire et les rapports sensibles ou imaginaires aux lieux donnant ainsi « donner chair à la science »


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